16 septembre 2010

Argentine anti-blues

photo de linternaute.com

Si un jour cela doit t'arriver toi aussi,
prendre un avion sans trop savoir pourquoi,
traverser l'océan et laissser derrière tes parents, tes mamies, ton brother et tes meilleurs amis
voyager toujours seul(e) sans personne à côté
savoir qu'à l'aéroport personne ne t'attend,
ressentir le blues du gitan, le vague à l'âme du voyageur, le tournis,
arrange-toi ce jour-là pour que ce soit destino Buenos Aires, aéroport d'Ezeiza.

Démonstration n°1:
Me voilà de retour après une longue pause estivale, chaude et régénératrice made in France.
Arrivée à l'aéroport de Buenos Aires à 4.25 du matin, un peu défoncée, triste, mauvaise humeur, froid soudain (10°C) après la chaleur de Barcelone, envie de me coucher, c'est tout.
Je me dirige vers la douane et me rends compte que j'ai oublié le petit papier distribué dans l'avion pour l'immigration. C'est mon tour, je passe devant la cage en verre du douanier, et lui dis que je n'ai pas le formulaire, j'ai dû le laisser dans l'avion.
De l'autre côté du verre il y a Pablo le douanier, appelons-le Pablo, d'une cinquantaine d'année, qui voit passer la 200ème touriste de la nuit, moi. Il a dû se lever à 2h du mat peut-être, ou il ne s'est pas couché du tout. Il ne fait pas un boulot passionnant, tamponner des passeports dans une cage en verre. Toute sa vie il aura vu passer des voyageurs qui sortent de l'avion, avion qu'il n'a certainement jamais pu prendre vu ce qu'il doit gagner. Mais il s'en fout, parce que Pablo, même un matin d'hiver à 5h du mat, il a le SMILE, la patate, l'envie de déconner, la gentillesse, le mot qui fait rire, il est argentin.
Il a dû penser que j'avais un air de chien battu, alors il s'est dit qu'il allait essayer de me dérider.
Il me regarde et me dis :
- "Ah toi, je sais, t'as perdu la tête, t'es amoureuse, et du coup tu perds tout, les papiers etc" !
Il guette ma réaction et évidemment je souris, il m'a eue. Je ne m'y attendais pas à celle-là. Je ne rentre pas dans les explications du pourquoi je perds tout et que c'est héréditaire et que y'a qu'à voir ma mère et ma grand-mère et que mon frère a le pompon de la famille, non, il s'en fout.
Je souris, et il me dit
- "Ma poupée t'en fais pas, prends ce papier et complète-le moi".
Je le remercie d'être si gentil. Un peu de réconfort ce matin-là n'était pas de trop.
Je lui ramène le papier et il me demande combien de temps je reste. Ayant mon visa de travail périmé, je suis cette fois-ci touriste (charme de la bureaucratie argentine) et demande poliment d'avoir 3 mois, le maximum.
Et là Pablo il se dit qu'il a tout compris, on la lui fait pas à lui, la nana seule qui débarque et qui demande 3 mois, et s'écrie
- " Ca y est, j'ai compris, tu as trouvé un fiancé argentin !!! Bravo !!! Je te félicite ! Qu'est-ce que tu es forte ! Attention aux fiancés argentins, c'est des filous, je t'aurais prévenue ! Mais vraiment je te félicite ! Bravo ! Je suis content pour toi ! "
Ses collègues des cages en verre à côté se retournent, me regardent, je ne sais pas trop où me mettre, et ils me sourient, rient en regardant Pablo, et reprennent leur tamponnage de passeport.
Et là je me suis franchement marrée, à 5h05 un matin d'hiver, un peu défoncée, triste, mauvaise humeur, froid soudain et envie de me coucher, mais je me suis marrée quand même. Pablo, il était trop fort. Ici tu ne peux pas être triste, c'est pas admis et ils ont bien raison. Car à la réflexion, mes petits soucis ce matin-là n'étaient juste qu'une petite fatigue d'une nana bien gâtée par la vie.

Démonstration n°2
5 mn après avoir laissé Pablo et retrouvé mes bagages, je pars dans un taxi. J'ai le temps de marcher quelques mètres et de ressentir le charme des températures hivernales de Buenos Aires, en d'autres mots de me cailler les miches, et là je tombe sur le taxi Jorge, avec sa doudoune et sa bonne bouille. Sitôt démarré qu'il allume le poste radio et met un CD d'Aventura, la bachata dominicaine qui me fait toujours si chaud au coeur. J'hallucine, car en Argentine ce n'est pas hyper courant, et voilà qu'une grande conversation s'engage avec Jorge après l'avoir félicité pour sa musique.
- "Mais oui je les adore aussi, Aventura c'est les meilleurs, je les ai vus en concert au Luna Park en juin, tu y es allée aussi ? Tu sais qu'ils vont se séparer, c'était leur dernière tournée ensemble !"
Je réponds que je les ai ratés, je suis dégoutée, il me dit qu'il va me mettre le dernier CD. Là il baisse le pare-soileil, et je vois une rangée de 15 CD gravés, que de la bachata. Il en prend un, et le passe, et me dit
- "Ecoute ça ma chérie !"
Et là c'est parti mon kiki, 5h30, Aventura au taquet dans la voiture, et Jorge qui chante " mi amor, mi corazon", emmitouflé dans sa doudoune, en conduisant son taxi pourri. Lui non plus il n'a peut-être pas dormi de la nuit, pas plus que Pablo, il prendra jamais l'avion non plus. Mais ici, y'a pas d'heure pour être heureux. Je me pince, me dis que l'Argentine me donne une bienvenue incroyable et que j'ai trop de chance.
Je lui demande de me passer "Alexandra". Pas de soucis, il change de CD, prend le 9ème sur la gauche derrière son pare-soleil, sans se tromper, et me la passe. Oui, ma chanson Sophie ! Alexandra.
Et là ben comme il la chante, je la chante aussi, bref nous chantons. Il est 6h, Buenos Aires s'éveille, le jour se lève et dans un taxi jaune 2 fans de bachata s'éclatent, Jorge et moi. Moi qui pourtant une heure avant était un peu défoncée, triste, mauvaise humeur, froid envie de me coucher c'est tout, ben ça y est, je suis contaminée à mon tour, j'ai moi aussi le SMILE, la patate, l'envie de déconner, la gentillesse, le mot qui fait rire ! S'en suivent un échange de mail, la promesse qu'il va m'envoyer les prochaines soirées de salsa et bachata dont il entend parler, les dates des concerts du groupe de salsa dans lequel il joue.... et le CD.
Ben oui, parce que Jorge il est content, il m'a dit qu'il n'avait jamais chanté de bachata avec un passager, et encore moins si tôt un matin, alors le CD il me me l'offre et que c'est lui qui me remercie. Jorge il est comme ça, ici c'est comme ça, des fois ça me donnerait envie de chialer.

Des anecdotes comme ça chacun ici en a 10 000. J'ai encore la chance de m'en émouvoir à chaque fois, d'observer ces Argentins à la façon d'un anthropologue. Après 18 mois en Argentine, je suis encore fascinée. Et du coup je me suis souvenue de pourquoi j'avais pris cet avion.

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14 commentaires:

caro a dit…

fanny!!!qué linda esta re-fascinación! me alegro de que argentina te haya recibido con los brazos abiertos.
j'ai aimé ton post.

besos y abrazos
caro

Anonyme a dit…

muy bueno !! no fue tanto a ciegas que vina por aca, pero igual dejé las mismas cosas...
Si l'envie te prend de faire un saut par dessus l'Aconcagua et d'aller taquiner le Pacifique...je me ferai une joie de faire le taxi, hôtelier,...eso si sin Bachata !
Cuidate
Vince

babeth a dit…

Que c est bien ecrit.A travers ces mots je te reconnais tres bien.Genereuse affectueuse observatrice avec un coeur plein de bonnes choses.Je suis tres fiere d etre ta tatie( tu ma oublie dans la liste des gens que tu as laisse)Hi hi.BIZZZZZOUS

babeth a dit…

Que c est bien ecrit.A travers ces mots je te reconnais tres bien.Genereuse affectueuse observatrice avec un coeur plein de bonnes choses.Je suis tres fiere d etre ta tatie( tu ma oublie dans la liste des gens que tu as laisse)Hi hi.BIZZZZZOUS

Viki Cozzo a dit…

Qué lindo leerte y saber que ya tenés otra vez tu sonrisa dibujada.

Un beso grandotote, linda!

Michela a dit…

Quel plaisir de vous retrouver en directe de Bs As! Vous savez toujours trouver les mots justes pour décrire l'âme portena!
J'en redemande, encore et encore... ;-)
Michela

Fanny Dumond a dit…

merci pour vos commentaires !!
il y a tellement de choses à raconter ici et à partager. besos

san telmo a dit…

Hola ! je suis aussi une française à buenos aires ! j'ai adoré cet article j'ai presque revécu mon arrivée ici par 0 degré en juillet dernier ! bonne suite !

Anonyme a dit…

Superbe article, très émouvant. J'en aurais presque la larme à l'oeil moi aussi !

Aso a dit…

J'adore!!! Et je partage! On a bien fait de prendre cet avion... ;-)

Unknown a dit…

Excellent! Ca me donne un peu le blues (dans le bon sens du terme ;) )
SUper ton blog en tous cas, je revis mon voyage une nouvelle fois. Merci! :)

Fanny Dumond a dit…

merci christophe, bon si tu as trop le blues reviens par ici, les jacarandas sont en fleur en ce moment, c'est le plus beau mois de l'année !

Anonyme a dit…

Acabo de descubrir tu blog, me encanta! paso de un post al otro, atrapadísima por tus anécdotas. Un abrazo

Fanny Dumond a dit…

un abrazo a vos tambien sanspapiers !! y mil gracias por leerme