29 octobre 2013

Amitiés expatriées


Une chose à laquelle il faut bien s'habituer, quand on vit loin de chez soi, c'est de voir partir ses Amis, ceux qui sont comme nous, des pigeons voyageurs, des oiseaux migrateurs. Rien ne peut les arrêter, ils ont déjà pris un billet aller pour venir ici et tenter l'aventure. Alors vous pensez bien qu'un autre départ ne les effraie pas. Certains partent pour de nouveaux horizons, d'autres rentrent au pays. C'est comme ça, ce sont les amitiés expatriées.

Peu importe leur lieu de naissance, on les a connus sur un autre territoire, à l'âge adulte, loin des bancs de l'école ou de la fac. La nationalité inscrite sur leur passeport est un simple détail et on finit par l'oublier. On a chacun sa famille, son passé, sa région et son pays, son milieu, sa culture, sa religion, ses études et sa langue, et on s'en balance. C'est ça qui est bon. Comme par magie, tous ces paramètres qui en général rassemblent ou divisent les êtres ici ne comptent pas. On s'aime juste pour ce que l'on est, maintenant, c'est l'amitié choisie et pas circonstancielle, pas celle que l'on a maintenue par ce qu'il fallait, parce que cela faisait 10 ans que l'on se connaissait ou qu'on était ensemble à l'école primaire. Non, ce qui nous rassemble, ce ne sont pas les souvenirs, mais bien le présent. Ce présent que l'on a choisi, cette ville, ce pays, où l'on ne vient pas pour faire fortune mais pour vivre autrement. Et si l'on s'est rencontré à Buenos Aires, et pas à Genève ou à Manhattan, ce n'est pas un hasard: on a forcément un petit grain de folie en commun.

On communique parfois avec ces Amis dans une troisième langue, ni la nôtre ni la leur, on s'aime, on se confie et on rit en espagnol, qui devient alors une langue intermédiaire, avec des accents différents et des mots piochés de-ci de-là, et tout ce petit monde se comprend. On fait certainement marrer les locaux qui nous écoutent. On forme une communauté pendant plusieurs années, comme une famille, on forme des liens uniques, incomparables avec ceux tissés avec les amis de toujours de la mère patrie, ni plus ni moins forts, mais différents.

Les Amitiés expatriées ont aussi un rôle réconfortant. Très souvent, du moins dans mon cas, on se sent un peu l'original de son groupe d'amis et de sa famille en annonçant qu'on a décidé de partir seule "à l'autre bout de la planète", comme ça, manière de voir ce qui s'y passe. A fortiori passés 30 ans. On a beau avoir les encouragements de tout le monde avant de partir, entendre "c'est génial que tu le tentes", il n'empêche que personne ne nous accompagne jusque dans l'avion le jour J. En vivant à Buenos Aires, on rencontre d'autres foufous et fofolles d'Argentine et d'Amérique latine en général, qui ont eu la même idée, la même envie, et qui ont pris un aller simple eux aussi. Parmi eux les Amitiés Expatriées que j'ai nouées me confortent dans mon choix et me rassurent.  On n'est pas si original que ça finalement, pas si bizarre, et nous sommes même toute une communauté !

Pour ces Amis avec qui l'on passe des Noëls, que l'on a appelle sans problème de fuseau horaire, qui nous comprennent sans besoin de sous-titre car on se ressemble tellement, le mot Ami même avec un A majuscule reste trop faible.
A ces Amis Expatriés qui m'accompagnent ici je veux leur dire que sans eux la vie à Buenos Aires n'aurait pas la même saveur et que sans leur soutien je ne serai peut être pas encore porteña aujourd'hui. Restez encore un peu por favor !
A ceux qui sont déjà partis (la hdp tana, Flo, Vicky, Sophie et Shirly), ils savent qu'ils sont à jamais en mi corazon.
Et à ma chère carioca Aline, qui est dans son avion de retour à Rio ce soir, même si elle ne me lira jamais car elle ne comprend pas le français, je lui souhaite uma boa viagem ! Hasta la vista baby !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ton article est très touchant et tellement vrai! Mais pour un ami qui s'en va, d'autres arrivent, c'est ça aussi le bonheur d'être expat, on fait toujours de nouvelles rencontres.

Jenzinha a dit…

Il m'a fait verser ma ptite larme ton article... J'ai vécu 2 ans au Brésil où mon mari et moi avions une "famille" d'expatriés autour de nous, avec lesquels nous faisions tout et partagions tout comme si nous nous étions toujours connus et compris. Aujourd'hui, nous habitons au Portugal... et c'est pas la même chose du tout ! Je suis bien nostalgique de ces amitiés expatriées...
Très bel article, encore une fois !

Fanny Dumond a dit…

merci beaucoup Jenzinha, ravie que cet article t'ait plu !