J'oublie en effet, ne fréquentant pas beaucoup de compatriotes, que je parle français avec un accent, mes origines me suivent et me collent à la langue. Hier soir donc soirée avec beaucoup de français. Et qu'est-ce que tu fais ici, et ça fait combien de temps que t'es là, ah tu voyages bla bla bla. Les questions et réponses habituelles. Personne ne demande à personne de quel coin il est, mais à moi oui.
- Mais, tu viens d'où ?
Et là, je souris comme d'hab...
- Non je ne viens pas de Dunkerque, rires, oui je viens de Toulouse, d'à côté, je sais, ça s'entend. Rires.
La conversation peut reprendre son cours. 5 minutes plus tard, un autre groupe, plus grand, on est tous assis, et même question, qui m'intimide car 5/6 personnes écoutent la réponse. Rires.
- Ah parce que je croyais que tu étais argentine. Rires.
Rires spécialement de mon copain David à côté de moi qui m'avait fait le même coup quand je l'ai connu ici, et avait cru lui aussi que j'étais une argentine qui parlait bien français à cause de mon accent.
- On t'a pas déjà dit que tu parles français avec un accent espagnol ?
- Tu dis que tu viens de Toulousa et pas de Toulouz.
Rires, d'eux, pas les miens. Moi ça commence à m'exaspérer sérieux
Et le meilleur pour la fin.
- Et puis c'est vrai, t'as l'air d'une Argentine, tu fais latine !
Le cliché, le pompon. Quel fin observateur mon gars, sérieux, t'as pas cru que j'étais suédoise ? Remarque totalement débile sachant que les habitants de Buenos aires sont pour la majorité d'origine européenne, avec peut-être une plus forte proportion de bruns et brunes qu'à Lille, mais pas plus qu'à Toulouse. Alors oui, je suis châtain aux cheveux longs, j'ai des bras dodus, des bonnes joues, un décolleté qui fait pas pitié, j'ai des anneaux aux oreilles, ça doit être ça, les anneaux, ça fait Jennifer Lopez...
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai compris pour la première fois que je parlais pas comme à la télé quand j'avais une dizaine d'années. J'avais pris l'avion Air Inter comme une grande toute seule pour aller voir les cousins parisiens. Première fois que je partais si loin de mon Gers. Je me souviens être arrivée à l'aéroport, être allée dans un café avec tante et cousine, et un serveur m'a demandé ce que je voulais. 3 mots ont suffit :
- "Eing coca s'il-vous-plé".
Et là, le serveur qui me répond en rigolant
- Ah toi ça s'entend que t'es pas d'ici !
Rire de la famille parisienne. Moi j'ai pas compris tout de suite.
Avec les années quand je me retrouvais avec mes cousins parisiens il répétaient ce que je disais, en accentuant un max chaque mot, et ça les faisait marrer et moi aussi, ça n'arrivait qu'une fois par an.
A Mexico, une Parisienne Stéphanie m'expliqua le jour où je l'ai rencontrée que la FNAC était un magasin où on vendait des livres et des CD. Je me suis dit la pouffiasse elle me prend vraiment pour une paysanne. Et elle persiste et signe en me parlant encore d'un autre magasin du genre. Je lui explique poliment que je connais.
- Ah tu es déjà venue en France ?
Euh oui, comment te dire... ? Et elle se confond en excuse car elle pensait que j'étais une mexicaine qui parlait bien français, comme j'avais un accent... On ne m'avait encore jamais dit ça, et pourtant, c'était prémonitoire...
A Paris à mon boulot une seule nana vient du Sud-Ouest, mais ce n'est pas vraiment une alliée, elle ne l'a pas trop, pas comme moi. L'accent. L'accent qui fait que tout le monde se marre, parce que c'est "trop" mignon, que ça fait vacances, soleil, que t'inquiète pas les gens rigolent mais en fait ils aimeraient avoir le même. De tout j'ai entendu. Au bureau quand je téléphonais à ma famille, on devinait que je parlais à mes semblables car paraît-il mon accent décuplait. Des petits merdeuses de stagiaires de 20 ans me coupent carrément la parole pour me demander "mais tu viens d'où?". En réunion certains clients ne disent rien, mais sourient dès que j'ouvre la bouche. Et là je comprends, je ne parle pas et ne parlerai jamais comme Claire Chazal, d'ailleurs Claire Chazal ne pourrait pas parler comme moi, sinon on ne la prendrait pas au sérieux. C'est la triste vérité.
Je visite des apparts, on me demande si je suis espagnole ou italienne.
Une fois on m'a demandé à Paris d'où je venais.
- Je réponds du sud-ouest.
- Et là on me demande oui mais de quel pays ?
Véridique. Je suis pourtant 100% française, élevée et nourrie au bon maïs du Gers, d'ancêtres béarno-corréziens gardiens de vaches. Je peux pas mieux faire !
Je me suis souvent demandé, si j'avais eu les yeux un peu bridés, si des inconnus me poseraient la même question, aussi vite, dans la conversation ? Est-ce qu'on demande à Fatima en 15 secondes si elle est d'origine marocaine ou algérienne ? Pas une fois en 5 ans à Paris en parlant avec des inconnus, la boulangère, au téléphone, des amis d'amis qui ne me connaissaient pas, j'ai pu éviter les questions.
- Non parce que ton accent il est pas comme à Marseille, il est différent...
Ben ouais, bravo, c'est pas comme Pagnol et Manon des Sources ou FR3 Marseille, non.
- Ah ouais parce que quand je vais en vacances dans le Sud (comprendre dans ce cas le sud-est car le sud-ouest n'est pas sur leur carte), ils parlent pas pareil.
C'est pas méchant, c'est pas mal intentionné, mais ça pue le parisianisme, parfois un peu le snobisme et surtout l'ignorance. Le sourire attendri quand je raconte une histoire, quand un putaing m'échappe, ou une expression bien de chez moi, comme quand un enfant fait des fautes de français ou emploie un mot dans un mauvais contexte
- Ah mais t'as pas perdu ton accent depuis tout ce temps!
Des claques !!!!
Tellement de remarques entendues depuis 10 ans que je suis sortie de mon bercail que c'est vrai, je me sens plus à l'aise pour parler avec des gens du sud, de Biarritz à Nice, qui ne me poseront pas de questions et ne relèveront pas cette différence. Hier soir, à 11 000 km de la France, je me suis encore sentie à part des autres compatriotes. Ne pourrait-on pas considérer ici qu'on vient tous du même pays ? On est quand même plus petit que la Patagonie argentine !
7 commentaires:
Je viens de découvrir ton blog et cet article m'a beaucoup amusée, pas étonnée du tout, d'entendre de la bouche des gens autant de clichés à la minute. Pour ma part, une partie de ma famille est en Bolivie (je t'épargne les "ils ont la télé? mais c'est pas dangereux là-bas? et la drogue?...). Tout ça pour dire que nos différences, c'est ce qui fait notre richesse, à chacun de s'affirmer tel qu'il est! Courage, et bon séjour en Argentine, je reviendrai!
Ah oui!! Moi aussi on m´a tout fait! Le meilleur, c´est le coup du: Tu viens de Perpignan? Tes parents sont espagnols alors!
Quelle langue vous parlez à la maison?
J'adore!
Je me retrouve dans ce billet non seulement parce que j'ai l'"accent du Sud-Ouest" (née à l'étranger, ça fait compliqué), mais parce que mon père français de France depuis des générations, avec un nom bien français, a souvent reçu les mêmes remarques à Paris. Ah, le snobisme de la capitale...
Et je raconte même pas la réactions des québécois pour qui je deviens automatiquement une "maudite française" ou les canadiens anglo pour qui je parle le "parisian French" (si tu parles pas le français québécois alors c'est forcément parisien!!!)... Oui, l'ignorance ça gonfle.
AHHHH ma Fanny! Je comprends pourquoi tu as tant apprécié ta soirée entre Frenchies...mais c'est vrai que Fanny sans son accent c'est plus Fanny, alors! moi je t'aime avec ton accent bien tu Gers...je comprends l'irritation que ça provoque chez toi, se retrouver si loin pour entendre encore et encore ces mêmes banalités!
comme quoi le français est moqueur... et comme quoi, meme quand il a voyagé, il en a pas moins la tete farcie de clichés...
bises
I never noticed your accent, Fanny! For me you're just a crazy French girl who is multi-lingual and floats in and out of French, Spanish and English! I love it! x
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