5 avril 2014

On a grillé des clopes et de l'essence dans les rues de Buenos Aires. La caméra allumée

Je viens de découvrir cette vidéo, réalisée par Lucie, une autre fan comme moi des taxis porteños.
A voir des portraits touchants de ces chamuyeros/espiritus libres

"Avec près de 40 000 véhicules jaune et noir, Buenos Aires est la ville du taxi. Un pour 70 personnes : c'est trois fois plus qu'à New York et bien plus que n'importe où ailleurs. Ils transportent chaque jour environ un million et demi de passagers, loin devant le métro. Alors, comme il faut toujours commencer par rouler vite dans des taxis la nuit pour comprendre une ville, on a grillé des clopes et de l'essence dans les rues de Buenos Aires. La caméra allumée."






2 avril 2014

Etrange concept que le bercail...

Photo de ma ville étriquée, un jour d'orage
Le bercail c'est le bled où tu as grandi, c'est la maison dont on reconnaît les odeurs, c'est la place de la Mairie où tu croises des gens que tu connais, même si tu es partie il y a 15 ans. C'est la personne qui sait que tu aimes le quignon de la baguette, que tu ne petit-déjeunes qu'avec des Rice Krispies et du chocolat Poulain. Et qui s'assure d'acheter tout ça avant ton arrivée.
C'est le coin de la planète que tu as considéré étriqué, trop calme et tellement prévisible et qui t'a donné envie de partir. Plus tard, c'est pourtant le même coin dans lequel tu te réfugies et te sens chez toi. C'est tout ça le bercail.
 
Lorsqu'on ne rentre au bercail qu'une fois par an, qu'on vit loin très loin, on en viendrait presque à idéaliser les 2 petites rues commerçantes qui ont limité notre horizon durant nos 18 premières années. De retour en vacances, en arpentant ces rues si familières, on s'aperçoit qu'elles sont encore plus courtes que dans notre souvenir, et que oui vraiment, on n'en démordra pas, cette ville est définitivement un appel même à prendre un train ou un bus et plus vite que ça.

Puis, sournoisement, insidieusement, s'installe une autre sensation, un blues, une nostalgie, un saudade, pour les souvenirs passés, l'enfance et l'adolescence que l'on ne retrouvera jamais. Ce temps où le grand-père riait encore si fort avec la grand-mère, ce temps où l'on connaissait par cœur le numéro de téléphone de la maison de nos copines, ce temps sans portable, sans internet, tout juste une console de jeux, où nos conversations n'étaient pas interrompues par des messages, ce temps où l'une de mes seules distractions consistait à me battre avec mon frère.
 
Une évidence, après toutes ces années, c'est dans cette maison qui m'a vue grandir, dormir avec le frérot, me disputer avec les adultes, faire mes devoirs, imploser à l'adolescence, pester contre les "vieux"et revenir en visite tant de fois, oui c'est encore dans cette maison que je me sens le plus chez moi, en sécurité, comme bercée dans un placenta de graisse de canard.

Signe infaillible de l'âge adulte, on prend conscience de ceux que l'on a encore, ces êtres chers et indispensables qui nous font tenir droits et à l'aise dans nos tongues, même à 15.000 km de distance. On savoure la joie de retrouver encore, 36 ans plus tard, le même sourire + parfum qui nous attend à l'aéroport, ce pilier débordant de tout l'amour du monde, infaillible, no limit et for ever.  On reconnaît la patience infinie de celle qui ne compte pas les kilomètres parcourus, sûrement plus qu'un tour du monde, de celle qui m'a toujours et partout trimballée, installée, déménagée et transportée au gré de mes journées d'école, goûters d'anniversaires, loisirs, sorties et virées nocturnes (quand il fallait qu'elle me laisse assez près mais pas trop non plus, au cas où l'on s'aperçoive que c'était elle qui me conduisait), de celle qui plus tard m'a soutenue alors que je m'éloignais d'elle, et emmenée prendre mes trains, mes bus et mes avions... jusqu'à que sa fille indigne ne prenne son envol (j'ai dû prendre beaucoup d'élan, j'en conviens, car je n'aurais jamais pensé atterrir aussi loin).

A mes compagnons de bercail, je voudrais dire un muchas gracias du fond del corazon pour être encore là, alors que tant d'amis autour de moi n'ont pas la même chance. Les sourires + parfums nous lâchent parfois trop tôt, les salauds.
Pour celui qui se reconnaîtra, et à qui je dois la moitié de mes chromosomes, un bravo particulier car dieu sait qu'il a fallu s'accrocher parfois fort très fort pour qu'il me lise encore aujourd'hui.
Il y a des jours comme ça où l'on voudrait stopper le temps, où l'on ne sait plus pourquoi au fond on est parti si loin, où l'on voudrait rester sous la couette, et que le même sourire + parfum nous fasse des câlins, for ever. 

19 mars 2014

Darin le retour

Après une première photo il y a quelques mois... Aujourd'hui le revoici dans le restaurant où je déjeunais ! J'avoue que je fais un peu une fixation sur ce Monsieur, ces dames me comprendront. Je l'ai croisé 4 fois dans mon quartier, pour la 2ème fois j'ai réussi à demander une photo, enfin plus exactement la personne qui m'accompagnait a demandé une photo pour moi.

Cette fois-ci, je me suis sentie complètement impressionnée quand Ricardo m'a fait signe de m'approcher et de prendre une photo avec lui. Je ne sais même plus si je lui ai fait la bise ou non, si je lui ai parlé ou non.

En revanche je me souviens parfaitement de me rendre compte, lorsque j'ai voulu enclencher l'appareil photo depuis mon téléphone portable et que Ricardo était exactement contre moi, que sur ce même téléphone j'avais notre première photo en fond d'écran... ou comment j'ai failli avoir la honte de ma vie s'il s'en était aperçu. Je pense que même sa femme, qui était à côté, ne pousse pas le romantisme jusque là. Moi si.

J'ai donc très vite mis en marche la caméra, ai donné mon téléphone à quelqu'un, j'ignore encore qui, j'ai souri comme une gamine à côté de Mickey, brouillard total, j'ai remercié, je crois, suis revenue à ma table et j'ai demandé à mon compagnon de déjeuner si on pouvait sortir. J'avais les joues en feu et besoin d'air frais.

Alors voilà, il fallait que je partage cette 2ème photo...juste pour me faire des ennemies :-)

Je compte d'ailleurs en faire une série. On parie que j'aurai une 3ème photo avec lui très bientôt  ?



13 mars 2014

3 expressions argentines "foutage de gueule"

J'avoue que j'ai tapé "foutage de gueule" dans Google Images 
et c'est ce qui m'est apparu. Faites le test !

L'autre soir, avec des amis argentins dont certains vivent en France et étaient de passage à Buenos Aires, on a exploré ces expressions typiquement argentines bien "foutage de gueule" (pardonnez moi le manque le poésie), une autre facette bien rigolotte de l'ArgentinAttitude.
En voici 3, largement employées, pour décrire des situations socialement acceptées ici mais qui rendraient chèvre n'importe quel français en France.

- "Me colgue", littéralement "je me suis pendu"
Comprendre "j'ai été dans un état de lévitation, songe ou rêverie tel que j'ai oublié le monde qui m'entourait. Expression utilisée pour dire
- que tu es resté faire quelque chose pendant longtemps (tu as passé 2 heures dans la salle de bain)
- ou que tu as tardé ou oublié de faire quelque chose. Et c'est dans ce contexte que cette expression me rend dingue. Ce quelque chose pouvant être un service que l'on devait rendre à quelqu'un, un travail que l'on devait remettre, un rendez-vous où l'on est arrivé en retard, ou que l'on a directement oublié, un coup de téléphone que l'on devait passer. En français avouer que l'on a oublié c'est déjà admettre une faute, ici dire "me colgue" est comme une justification de l'oubli.
Application dans la vie de tous les jours
"Me colgue mirando la tele, perdon": comprendre mon film était bien plus intéressant que ce que j'avais à faire, c'est à dire venir te voir à 15h, du coup c'est pour cela que j'arrive à 16h.
"Uy, me colgue, me olvide de darte la plata, perdon": comprendre je te prends pour un(e) con(nne) et je veux te faire croire que pendant 15 jours j'ai oublié de te rendre l'argent que je te devais

- "Se me complico", littéralement "les choses se sont compliquées"
Comprendre "j'ai eu des problèmes mais je ne vais pas m'abaisser à te les raconter"
Expression socialement acceptée et qui se suffit à elle-même. Encore plus forte que "me colgue". Là, quand on te dit ça, tu ne demandes même plus d'explication, voir limite tu vas demander à ton interlocuteur s'il va bien. Il est déjà d'ailleurs tout à fait pardonné, il n'a pas à s'expliquer sur ce qui lui est arrivé. Se le complico, pobrecito.Punto. Expression encore plus foutage de gueule que la précédente. Mais personne n'insiste pour demander ce qui s'est passé exactement. Marche à tous les coups, à dire avec un air triste pour bien faire pitié et faire croire que tu as enterré 3 grand-mères dans la même semaine.

- "Se cayo el systema", littéralement "le système (informatique) est tombé"
Comprendre "mon ordinateur rame, il y a un bug, je vais devoir redémarrer, je ne sais pas si ça va marcher après, mais dans le doute que je te dis - se cayo el systema- pour que tu rentres chez toi car j'ai pas envie d'avoir 10 clients qui attendent dans mon bureau"
Cela arrive tous les jours à Buenos Aires, à la banque, lorsque tu viens payer une facture de gaz, électricité, à une billeterie de spectacle, dans n'importe quel magasin qui facture depuis un ordinateur. Quand on te dit ça, après 30 mn d'attente debout, sans climatisation, quand la transpiration commence à dessiner un petit ruisseau dans ton dos, tu peux
- faire la française, gueuler pour te décharger, menacer de mettre le feu et rentrer chez toi.
- ou bien faire à l'Argentine, plaisanter avec ton voisin dans la file que décidément c'est pas ta journée et rentrer chez toi.
La solution 2 te prenant moins d'énergie, c'est bien évidemment celle qui est la plus répandue ici.
Cela ne viendra à l'esprit de personne de rester un peu dans le bureau en question pour voir si éventuellement le système informatique ne redémarre pas dans 5 mn. C'est socialement accepté que le problème ne sera pas résolu avant le lendemain et que donc il faut rentrer chez soi, c'est comme ça.

Conclusion, avec le temps, on s'argentinise, après s'être énervé contre ces expressions on apprend à les utiliser soi-même, et lorsqu'on voit que ça passe comme une lettre à la poste, j'avoue qu'on jubile un peu de l'intérieur...

10 mars 2014

Me encanto !



Un jour une copine t'envoie un message pour te dire que tu apparais dans une vidéo réalisée par la Mairie de Buenos Aires en 2012 sur leur festival de Tango.

- option nº1 : Tu es la reine de la milonga, et tu danses tellement bien le tango que tu t'es fait filmer > impossible
- option nº2 : Ta copine prend des substances étranges > option écartée, elle ne boit que du maté
- option nº3 : Tu as un sosie dans la ville > Why not ?

 En fait non, c'est bien toi, sortant d'un spectacle dont tu ne te souviens même plus et tu deviens célèbre en seulement 2 mots "me encanto", à la 1mn15

21 février 2014

Los argentinos somos IN-CO-RRE-GI-BLES

Voilà une petite vidéo prise hier dans un taxi. 
Quand j'ai compris à qui j'avais affaire, j'ai pas pu résister et j'ai sorti mon téléphone pour filmer ça. 
Franchement, il y a une autre ville au monde où on se marre autant dans les taxis ?

Los argentinos somos IN-CO-RRE-GI-BLES me dijo ayer un taxista. 
Y lo filme. A los que me preguntan porque me gusta Buenos Aires, les contesto que me quede por culpa de este tipo de personajes y por esos momentos de buena onda unicos


17 février 2014

Buenos Aires à vélo c'est rigolo, preuve en photos et vidéos



Je dois confesser qu'il y a un moment dans le mois qui me fait complètement régresser mentalement, c'est régulier, ça tombe toujours au même moment, le premier dimanche de chaque mois. Je redeviens alors comme une gosse de 6 ans qu'on emmène pour la première fois à Disney (démonstration en vidéo tout en bas, avec en cadeau mon rire discret). Ce moment bien précis correspond à la masa critica, version argentine que ce que l'on appelle masse critique en français ou Vélorution, c'est à dire ce regroupement de cyclistes qui se retrouvent pour le plaisir de pédaler ensemble pendant quelques heures dans la ville. Ces regroupements existent d'ailleurs dans toutes de nombreuses capitales de par le monde et, ce n'est pas un hasard, ce mouvement est né dans les années 90 à San Francisco.

A Buenos Aires le cérémonial est toujours le même. On se retrouve à l'Obelisco, j'ai entendu dire que nous sommes environ 2000, en fait je n'en sais rien, mais on est nombreux, très nombreux. Il existe aussi des Masa Critica nocturnes, une fois par mois, à la pleine lune.

Voici donc l'Obelisco de jour et de nuit








Les masa critica, de jour comme de nuit, font environ 40 km et durent 4 heures, donc de 17h30 à 21h30 le 1er dimanche de chaque mois ou de 22h30 à 02h30 du matin une fois par mois pour les masa nocturnes.
Départ et retour à l'Obelisco mais bien sûr on peut la quitter quand on veut.
Renseignements sur https://www.facebook.com/groups/masacriticabuenosaires/?fref=ts

Se croisent tous les profils, un peu hippies avec des fleurs sur les vélos, des fumeurs d'herbe qui s'en fument un dernier avant l'effort, certains vendant des "brownies feliz", comprendre des brownies qui rendent heureux grâce à des substances magiques, ou autres sandwichs et gâteaux fait maison. On voit des cyclistes qui ont des vélos de compétition, limite tunnés, et qui doivent coûter mon salaire mensuel. Certains mecs se la jouent pro, jambes rasées de près, mollets affutés et casques aérodynamiques. Et puis la majorité sont des cyclistes du dimanche, comme moi. Avant de partir ça boit de l'eau, de la bière, du coca-fernet, au choix. Puis au bout d'une heure, le son des klaxons de vélo commence à se faire entendre, on s'impatiente, puis finalement on se met en marche, tous ensemble. Le trajet est décidé sur le moment par une petite équipe de meneurs qui sont tout devant. Alors la meute que nous formons s'avance et s'engouffre dans les rues de Buenos Aires, sans s'arrêter, en les suivant.

La dernière masa critica nocturne fut vendredi soir dernier pour la Saint Valentin. Muy romantico !
En video de départ de l'Obelisco, nous occupons toute l'avenue de la 9 de Julio, la plus grande artère de la ville.



La rue est à nous !  

 Tout est dans le style

 Voir le panneau de la rue JD Peron, avec Eva Peron dessinée sur l'immeuble blanc en fond


Une autre équipe s'occupe de couper les rues perpendiculaires pour que nous passions sans danger. Bien évidemment nous coupons le trafic quelques minutes, le temps que toute la meute passe. Une organisation parfaite qui nous permet de profiter des rues de Buenos Aires sans voiture, sans bruit. 
Une sensation de liberté, une occasion  de profiter de la ville librement et une douce revanche sur les voitures: pour une fois ce sont elles qui doivent nous laisser passer et attendre et pas l'inverse. En plus Buenos Aires est tout plate donc c'est idéal à vélo. 

On croise la route de quelques personnages un peu loufoques et originaux. On voit ceux qui pédalent avec le maillot de leur équipe de foot, puisque c'est aussi une occasion de parader dans la ville et de promouvoir son club et puis ça déchaîne des commentaires des passants qui supportent le même club.

Supporters du club San Lorenzo

D'autres se déguisent, mettent des perruques.


Photo de Giancarlo León PH

Il y en a un qui est immanquablement en costard cravate.


D'autres d'un troisième genre se joignent à nous, des rollers, pas trop car beaucoup de rues sont pavées et c'est pas idéal, mais aussi des skateurs.

Photo de Giancarlo León PH

San Valentin oblige, vendredi dernier un gros coeur rouge faisait partie de la troupe
 
Photo de Alejandro C. Bermejo



Un ange blond était sur un mini-vélo traîné par un autre vélo





Enfin, pour le plaisir de tous, certains amènent à l'arrière de leur vélo une énorme radio qui nous permet de faire la masa critica en musique, ce qui, entre les cris, les klaxons de vélo et la musique fait que l'on se fait légèrement remarquer, c'est aussi un peu le but. La majorité des porteños ignore l'existence de cette manifestation et les passants et la badauds nous regardent passer sans trop y croire. On se fait photoghraphier et filmer avec les téléphones, c'est notre quart d'heure de gloire.

Pendant ces 4 heures, on pédale, on transpire bien sûr, on discute avec d'autres cyclistes, on regarde ceux qui sont déguisés et on se convainc qu'à la prochaine masa on osera sortir la perruque platine qui croupit dans le placard. On voit quelques chutes, on boit beaucoup d'eau, on prend des photos, on filme, en essayant de ne pas tomber accessoirement. Vendredi j'ai innové, j'ai réussi à faire une halte en route dans une heladeria (magasin de glace) et repartir sur mon vélo avec mon pot de glace, le but étant de la manger tout en pédalant. Je tenais d'une main mon guidon et de l'autre ma petite cuillère qui cherchait le pot que mon ami me tendait en l'air. Un peu périlleux mais on y est arrivé. Et surtout on a fait des envieux. Bici + helado = un buen combo !

Pour conclure cet hommage à la masa critica, vidéo souvenir du 2 février, un moment où nous étions arrêtés, ça arrive quand la masa s'est trop étendue et l'on attend alors quelques minutes que tous les cyclistes se regroupent. Ce jour-là, il faisait très chaud, c'est le coeur de l'été ici. On avait de chaque côté des immeubles et une bonne dizaine de personnes qui nous regardaient depuis leurs balcons. Certains cyclistes ont commencé à leur crier de nous asperger d'eau. On entend "Agua, agua" et même "cerveza". De l'eau ou de la bière donc. Les voisins ont mis quelques secondes à comprendre puis ils se sont exécutés. Moi je regardais et filmais la scène, incrédule, jusqu'à que les premières trombes d'eau s'abattent sur nous. Un moment jamais vécu encore et une crise de rire irrépressible. 



Pour ceux qui en douteraient encore, on s'amuse bien en vélo à Buenos Aires !



13 février 2014

Quand un taxi porteño te fait une leçon de rock argentin



Il y a une chanson qui me fait pleurer à tous les coups, "Pacto para vivir", de la Bersuit, un groupe bizzare qui chante en pyjama depuis les années 90 et qui compte comme l'un des plus célèbres groupes de rock argentin.



Un soir de la semaine dernière, en prenant un taxi, je suis tombée sur autre un fan de ce groupe qui m'a donné une belle leçon de rock argentin, avec explication des paroles, commentaires à l'appui et tout et tout.
Encore un bel exemple de ces trajets que j'affectionne tant, et dont j'ai parlé ici et ici, de ces paroles échangées avec des inconnus, quelques instants seulement, sans pudeur.

Buena onda, Eduardo, appelons-le Eduardo, il a eu envie de m'expliquer pourquoi la chanson "Vuelos" c'était sa chanson à lui de la Bersuit, celle qui le faisait pleurer.

Ici il n'y a pas d'heure pour parler de musique et de rock.
Ici rien ne te retient de parler de la chanson qui te fait pleurer.
Ici on n'attend pas de retrouver ses amis pour parler de sentiments.
Les petits charmes de la vie c'est finalement souvent juste le moment présent.

Démonstration en vidéo. Muchas gracias Eduardo.




12 février 2014

Quand Buenos Aires t'embobine


Buenos Aires est une menteuse. Elle se la joue française, aves ses noms français, son architecture parisienne, son "je ne sais quoi" européen. Que nenni. C'est une latine qui t'embobine.

Certaines pâtisseries ressemblent comme deux gouttes d'eau à celles de chez nous, elles en ont l'apparence, la texture, la couleur mais pas le goût. Je le savais déjà, mais hier, ma gourmandise étant trop forte, je ne suis laissée séduire par la panaderia/confiteria "la Burdelesa" (la Bordelaise donc). Elle m'a bien eue. La prochaine fois, j'irai chez la seule, chez la vraie, chez Cocu.


En rentrant chez moi j'ai regardé la vue depuis la fenêtre de ma cuisine. Je me suis dit que j'étais bien naïve. Buenos Aires sera toujours Buenos Aires, même sous ses faux airs.


18 janvier 2014

Ma plus belle rencontre, perdue un soir dans Mexico D.F

Place du Zocalo, Mexico, D.F, durant mon voyage pélerinage en 2007- FD

C'est rigolo quand même l'inspiration. Ce matin, 8h, réveillée par la chaleur (aujourd'hui il va faire 36°C), j'ai ouvert un oeil, puis le deuxième, j'ai entendu le doux vrombissement du ventilateur, senti et apprécié sa douce brise, puis j'ai pensé à cette vieille histoire. J'ai appelé ma mère en France pour qu'elle m'aide à retrouver ces vieilles photos qui finalement étaient à quelques mètres de moi, dans ma chambre à Buenos Aires. Ce matin il m'a pris une envie urgente de vous parler de Mexico, de cette année passée là-bas, dans la fraîcheur de mes 21 printemps, de mes retrouvailles avec cette ville 7 ans plus tard, et de ma plus belle rencontre, un soir, perdue dans la ville.

En 1999/2000, moi la Gersoise 100 % coeur de canard, j'étais une "chilanga", une habitante de Mexico D.F. Le Mexique est entré dans ma vie telle une tornade de découvertes et de joies:
- l'espagnol, une nouvelle langue pour moi, l'accent mexicain que j'adopterai et qui me vaudrait plus tard les rires de mes amis espagnols, les fameuses expressions mexicaines : ahoritita, mande, orale guey, pinche cabron, chinga tu madre, los nacos, los fresas etc.
- les ruines et pyramides des cultures aztèques et mayas, et la conscience que non, les Gallo-Romains n'ont pas tout inventé
- les musiques, la cumbia, la salsa (qui deviendra une passion), toutes ces chansons romantico diffusées à tue-tête dans les peseros (les bus de ville de Mexico)
- l'artisanat mexicain, le plus beau et le plus varié que je n'ai jamais vu, inégalable à mes yeux
- l'architecture coloniale espagnole et ses maisons colorées, des joyaux disséminés dans toute la ville
- ce truc étrange que l'on appelle "abrazo", qui consiste à serrer quelqu'un dans ses bras pour le saluer
- Frida Kahlo, Diego Rivera, Carlos Fuentes et beaucoup d'autres artistes mexicains
- les odeurs de tacos dans la rue, les saveurs de cette cuisine unique, les petites sauces piquantes vertes et rouges toujours posées sur les tables des restaurants, les jus de mille et un fruits  préparés dans la rue, les mangues, avec ou sans sauce piquante, coupées et vendues dans des gobelets en plastique, tous ces piments dont je suis devenue folle
- les innombrables escapades à quelques heures de Mexico le temps d'un week-end : montagne, plage, villes coloniales. 15 ans plus tard, le Mexique reste le plus beau pays que j'ai visité.
- le paradis sur terre: les plages du sud de Oaxaca, Puerto Escondido, Mazunte, ou Pie de la Cuesta près d'Acapulco
- des amis que je garderai pour la vie, des rencontres avec des femmes très inspirantes (certaines de mes élèves et toi ma cricri)
- un visa de résidence, le FM3, gagné toute seule comme une grande

Mexico ce fut aussi une grande gifle, de celles qui changent la façon de voir le monde. Je découvrai un écart de richesse inimaginable à mes yeux d'européenne, d'un côté des femmes et des enfants mendiant dans la rue, des quartiers avec des bidonvilles à perte de vue, de l'autre une ostentation indécente, sans gêne ni retenue, une conscience sociale inexistante de la part de certains qui avaient tout. Pour moi la provinciale, Mexico ce fut aussi le choc des dimensions tentaculaires de cette capitale de 25 millions d'habitants et le challenge de la traverser plusieurs fois par jour en transports en commun pour aller travailler. Plus tard Paris me semblera très petit ! Je m'adaptai à un nouveau concept, l'insécurité, et intégrai de nouvelles habitudes, toujours faire attention,  tout le temps, en retirant de l'argent à un guichet bancaire (regarder autour de soi, parfois mettre l'argent dans les chaussettes), ou en montant dans un taxi (distinguer les vrais des faux). Si personne n'était attendu, ne jamais ouvrir sa porte d'entrée, même si quelqu'un sonnait, dans le doute... Enfin, en un an je connu 2 tremblements de terre, en pleine nuit, un moyen et un petit, et j'appris à me rendormir juste après.

Le virus de l'Amérique du sud me fut injecté cette année-là et je n'ai pas été encore vaccinée à ce jour. J'avais touché du bout des pieds la pointe nord d'un monde différent, hispanique, communément appelé "latino" et réalisai qu'il me restait à découvrir toute une immensité s'étendant de Tijuana à Ushuaia, rien que ça. Sur ces 10.000 km, des millions d'habitants priaient le même dieu, parlaient la même langue et pouvaient s'émouvoir des mêmes chansons. En 2000 on écoutait Manu Tchao, Mana et Shakira, encore brune et pas encore à poil dans les clips. Déjà tout le continent chantonnait "si es cuestion de confesar, no se preparar cafe". 
Plus tard, en voyageant en d'Amérique du sud, je découvrirai qu'au-delà de la langue, mille et une coutumes et traditions se retrouvent chez les uns et les autres, bien au delà des drapeaux et des frontières. La convivialité, la simplicité dans les rapports entre les gens, un sens relatif du temps et des horaires, la vie au jour le jour, l'usage de l'espace public, les places où l'on se retrouve, les rues où l'on discute, mange, boit des jus de fruits, achète tout et n'importe quoi, les marchands ambulants, le doux bordel latino, la Pachamama, le culte des morts, les piments et le coriandre dans la cuisine, l'abrazo, la tactilité entre les gens, la cumbia, les compliments lancés aux filles dans la rue, le machisme, le tutoiement, le sens de la fiesta, la musique et la danse qui coulent dans le sang.

J'en reviens à Mexico. Pour gagner ma vie je m'étais improvisée professeur de français. J'enseignais à des adultes, des cadres en entreprises et des enfants de bonnes familles "fresa". Parmi mes employeurs, je me choquais du train de vie d'une famille en particulier, qui disposait de divers chauffeurs, garde du corps, voitures blindées et d'innombrables "muchachas" (servantes) vivant à domicile. Pour l'anecdote, j'ai toujours soupçonné le père d'être plutôt louche. Je n'avais pas tort, l'année dernière il faisait la une des journaux pour un pot de vin de 2,6 millions de dollars. 
Un jour une femme à l'accent bizarre (elle était polonaise) m'avait appelée pour donner des cours particuliers à son fils de 7 ans, Ulises. C'était Jolanta, une artiste plasticienne, dont la maison était décorée de ses peintures et sculptures, terrifiantes à mes yeux. Plus tard j'apprendrai que ses oeuvres, tout aussi terrifiantes qu'elles étaient, s'exposaient et se vendaient jusqu'aux Etats-Unis. Ulises était un petit ange blond, gentil et bien élevé, transi d'admiration pour son papa, un homme que je n'ai jamais croisé, sinon en portrait dans une toile de Jolanta accrochée dans le salon. Il faisait beaucoup d'efforts en cours, alors que comme tous les gosses, il aurait certainement préféré regarder la télé plutôt que de subir une heure de français. Souvent après les cours je restais discuter avec sa mère. Elle avait échappé à la Pologne communiste, littéralement échappé. L'histoire de sa fuite de Pologne était digne d'un film. Elle avait finalement pu émigrer aux Etats-Unis, et de là elle était arrivée au Mexique.

Ulises en 2000 chez lui avant un cours de français

En 2007, je décidai de revenir en voyage pélerinage à Mexico D.F. Le Mexique m'avait beaucoup manqué pendant toutes ces années. Mon retour en France, l'arrivée et l'adaptation à Paris ne s'étaient pas fait sans heurt et j'avais gardé une nostalgie inépuisable pour le Mexique. Comme un premier amour, il n'avait jamais quitté mon coeur, ni mes pensées, ni mes sens. Aussi lorsque 7 ans plus tard je foulai de nouveau cette terre, j'exultai ! Je retrouvai mes amis tout d'abord, qui avaient la gentillesse de me recevoir chez eux. Puis mes sens se réactivèrent. Je réécoutai ces bruits : la cumbia dans les bus, l'accent mexicain qui m'avait tant manqué, je sentai ces odeurs : les tacos dans la rue et celle de la braise. Je respirai de nouveau cet air sec et pollué et ressentai enfin cette douceur unique, cette température parfaite. Jamais je n'ai retrouvé un tel climat ailleurs, fruit de la latitude et l'altitude particulière de la ville (2.500 m). Je reconnaîtrai toujours l'air de Mexico, même les yeux bandés.

J'ai souhaité évidemment revoir mes anciens élèves, dont bien sûr Ulises et Jolanta. J'avais gardé un mail qui n'était plus valide, mais les années 2000 aidant, Jolanta avait désormais une page internet en tant qu'artiste et il me fut aisé de la retrouver et de la recontacter. Elle me répondit qu'elle vivait toujours dans le même appartement, mais seulement elle et Ulises, le papa était parti. Je parlai avec Jolanta au téléphone, elle me passa quelques secondes Ulises pour le saluer personnellement, nous étions très impatientes de nous revoir. La veille du jour où je devais déjeuner chez eux, je sortis de chez mes amis pour acheter des cigarettes, vers minuit. Une rue, puis une suivante, je finis par me perdre et ne plus retrouver mon chemin. Pas d'affolement, j'étais dans la Condesa, un quartier très animé avec de nombreux restaurants et bars. Je demandai plusieurs fois mon chemin aux gens que je croisais, personne ne savait me répondre; ou sinon m'indiquait n'importe quelle direction (grande spécialité mexicaine que j'avais oubliée :-). Alors j'eus l'idée lumineuse de demander le chemin du métro car de là je savais m'orienter. La personne suivante que j'ai interpellée, un ado qui marchait seul, me répondit que lui aussi s'était perdu et cherchait le métro. On en rit puis on décida de le chercher ensemble. Je l'ai alors observé de plus près. Il avait bien grandi, il faisait presque ma taille, mais son sourire, celui de la photo avec son petit piano, l'avait trahi. Je l'ai trouvé touchant avec sa voix muée. 7 ans étaient passés et il devait donc avoir 14 ans.
- "Tu t'appelles Ulises n'est-ce pas ? Moi je suis Fanny, ta prof, tu te souviens ? Celle qui doit venir chez toi demain." Silence... Il me regarda sans rien dire, ni lui ni moi ne pouvions le croire ! Il finit par me sourire, puis je lui ai donné mon premier abrazo.
- "Qu'est ce que tu fais ici à cette heure-là ? Ce n'est pas ton quartier par ici !"
Il m'expliqua qu'il était venu rendre visite à sa petite copine qui habitait par là, puis qu'il s'était perdu et que sa mère allait s'inquiéter. On marcha ensemble jusqu'au métro qu'on finit par retrouver, puis on s'est dit "à demain". Cette nuit-là il me fut impossible de m'endormir, j'étais submergée par l'émotion, j'avais l'impression étrange que Mexico m'avait attendue et que pour mon retour elle m'avait concocté cette surprise, ces retrouvailles improbables avec mon petit Ulises, 7 ans plus tard, les 2 perdus dans une rue de Mexico, à minuit, parmi 25 millions d'habitants.

Le lendemain j'arrivai chez Jolanta, elle aussi très chamboulée par cette histoire. Ce jour-là, l'abrazo dura très très longtemps avec elle, avec Ulises, puis tous les trois.

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4 janvier 2014

Réflexions sur l'expatriation


Ce doit être pour la fin de l'année, l'heure des bilans, toussa toussa, beaucoup de chiffres me viennent en tête. J'ai 35 ans. Le mois prochain je fêterai mes 5 ans à Buenos Aires, soit déjà plus de temps que j'ai vécu à Paris, la capitale de mon pays. Je réalise qu'en comptant l'année passée à Mexico D.F. et celle à Londres, j'ai vécu et travaillé 7 ans hors de mes frontières, soit exactement le même temps que j'ai été employée en France. J'atteins donc un espèce d'équilibre France/étranger, fifty fifty balle au centre. Et maintenant ?

Vivre ailleurs, loin de ses repères, de sa langue et de ses proches apporte un sens de l'adaptation qui, bien davantage qu'une qualité, devient une façon de vivre. On s'habitue aux nouveaux usages, aux nouvelles lois, c'est la règle du jeu, tant que l'on fait durer l'expérience. On s'y fait sans s'y faire car on vit sur une échelle de temps temporaire, tant que l'expatriation durera. A moins que l'on décide de rester dans le pays choisi, mais ça c'est une autre histoire. L'expatriation fait relativiser et devenir plus tolérant, plus souple. On en perd l'envie de critiquer car, après tout, on n'est pas vraiment chez nous. On sent que l'on a une expérience plus "light" de la vie locale, la politique ne nous touche pas, au contraire on développe toute la candeur nécessaire pour s'émerveiller face aux nouvelles coutumes, aux nouvelles traditions, aux différences. On a envie d'aimer le nouveau pays car on a perdu celui d'origine et on a besoin de se sentir conforté dans notre choix. On vit une double vie, à la fois ici et là-bas, dans le pays d'élection et celui d'origine. On vit dans l'un mais on essaie de rester présent dans l'autre, du moins virtuellement.

Vivre dans une autre langue, lorsque la nouvelle famille créée (mari, femme, amis) ne parle pas celle de Molière, c'est accepter que l'on sera toujours différent avec notre accent, que l'on aura un niveau peut-être très bon mais difficilement parfait. Idem à l'écrit. Parfois on réalise que l'on n'a pas parlé un seul mot de français pendant une semaine, deux semaines. C'est bizarre de délaisser aussi longtemps sa langue. Encore plus étrange est de commencer à utiliser les expressions locales lorsqu'on parle en français. Parce ce que les mots n'ont pas toujours leurs équivalents et que le concept de "buena onda" n'est tout simplement pas traduisible.

Vivre dans une autre culture, a fortiori lorsque celle du pays de destination nous convient, c'est changer d'habitudes et se créer sa propre culture, soit un mix des deux, et tenter de prendre le meilleur de chacune. Je revendique aujourd'hui une bonne dose d'ArgentinAttitude, car je suis admirative des qualités intrinsèques des Argentins. Cependant, même si je bois le maté et dîne à partir de 22h, je reste française : je ne suis pas aussi extravertie, et je me sens beaucoup moins conservatrice.

Etre un étranger, comme son nom l'indique, c'est ne rien piger au début aux impôts, à la santé, aux banques, à la justice, à la location d'un appart. Parfois c'est déjà compliqué pour les locaux, alors pour les étrangers c'est une montagne infranchissable. Si quelqu'un parmi vous s'ennuie dans sa vie je lui propose d'expérimenter la prise de tête de l'étranger : les RDV chez un médecin spécialiste en Angleterre, un procès au Mexique, un divorce ou l'obtention d'un visa de travail aux US, se faire installer internet à Buenos Aires ou louer un appart à Paris.
Etre un étranger, c'est n'avoir qu'une carte de débit et attendre 5 ans pour avoir une carte de crédit (vécu). C'est se rendre souvent, et y passer beaucoup d'heures, au service/bureau de l'immigration, se faire répartir par nationalité (en Argentine, les Européens sont avec les asiatiques et tous les non- Mercosur, c'est rigolo), c'est se faire traiter plus ou moins bien selon la couleur de peau, son pays d'origine ect. Inutile de préciser qu'il vaut mieux être une française en Argentine qu'un malien en France. C'est pleurer quand on nous dit qu'il manque des papiers, beaucoup pleurer (en Argentine ça marche et ça les attendrit, je vous le conseille). C'est fêter l'obtention de son visa, être fier lorsqu'on obtient le fameux papier et le garder, même périmé, en souvenir. Je garde encore précieusement mes cartes de sécu irlandaise et anglaise, et mon FM3 mexicain, comme des reliques.
Etre un étranger c'est être et se sentir plus fragile, et plus seul en cas de coup dur. Chômage, passage à vide, problème de travail, de couple, rupture amoureuse... c'est pas bon, pas bon. Dans ces cas-là, on se dit parfois "qu'est-ce que je fais là " ou "et si je rentrais "?. Pour tous les petits et grands tracas qu'il n'aurait eu pas s'il était resté dans son pays, l'étranger a tout intérêt à s'armer de patience et de beaucoup beaucoup d'énergie.

Je distingue 3 types d'expatriations possibles, je les ai expérimentées toutes les 3, dans cet ordre, et j'en suis arrivé à ces conclusions.

- l'expatriation "j'accompagne"//Degré de difficulté : fastoche
Le/la chérie(e) a un travail qui l'attend et on part dans la valise. On n'a pas forcément choisi la destination. C'est tombé comme ça. On a acheté le Routard Futé du pays en question et on est monté dans l'avion. Cela ne veut pas dire que l'on ne galèrera pas pour obtenir un visa de travail mais si financièrement le salaire du conjoint est convenable, on peut se permettre d'accepter un job même mal payé, voir de se reconvertir et repartir de zéro dans un nouveau domaine, même sans expérience, chose que souvent la France ne nous permet pas de faire. Ou même de ne pas travailler du tout. La sociabilisation peut être lente si on ne parle pas la langue locale. A début on dépend des relations du conjoint pour connaître des gens. L'expatriation sans travailler peut s'avérer être une jolie bulle rose loin des préoccupations de la vie courante ou une source de solitude et d'ennui.

- l'expatriation "je viens pour travailler"// Degré de difficulté : semi-fastoche
On a décroché un job depuis la France. On a choisi sa destination puisque on a cherché le job et postulé en connaissance de cause. Dans ces cas-là on doit se débrouiller dans la langue du pays ou du moins en anglais. On ne s'inquiète pas de savoir si un salaire va tomber à la fin du mois, car on sait qu'il va tomber. Il ne reste plus qu'à prendre des verres avec ses collègues à la sortie du bureau et de voir avec qui on s'entend le mieux. La socialisation va vite. On se sent un touriste chaque week-end et on a une motivation et un intérêt dingue pour tout découvrir. On a la tête libre car les conditions matérielles essentielles sont solutionnées par notre salaire.

- l'expatriation "free-style" ou "je viens voir ce qui se passe" // Degré de difficulté : pas fastoche du tout mais tellement bon putain
C'est celle qui nécessite une bonne paire d'ovaires le plus de courage ou d'inconscience, selon comment on voit la chose. C'est celle aussi qui résulte d'un fort intérêt pour le pays d'élection, d'une passion ou d'un coup de foudre pour la destination choisie. Si on ne parle pas la langue on a tout intérêt à s'y mettre, et vite. Je pense que c'est l'expatriation la plus difficilement imaginable, surtout lorsqu'on a été bien formaté par le modèle étudie#travailletoutdesuiteaprès#cotisepourtaretraitecestimportant. Et il faut reconnaître qu'en France, ce modèle de pensée est bien implanté, beaucoup trop. Les Anglais par exemple sont bien plus ouverts sur le concept de vivre à l'étranger un moment, prendre un congé sabatique ect
Pour l'avoir fait, à 30 ans passés, en quittant un job "sûr" en France, je ne peux que recommander l'expatriation "free-style", parce qu'on s'en balance de perdre 6 mois ou 1 an de cotisation retraite. Il faut le tenter (et ici je dédicace ce paragraphe aux lecteurs qui me racontent qu'ils songent à le faire mais n'en sont pas sûrs). Rien de tel que cette mise à nu, cette prise de risque, ce départ de zéro, pour se connaître et se révéler dans un monde différent. Le seul risque est de rentrer chez papa maman une fois l'expérience terminée. Autant dire, en comparaison de ce que vit le commun des mortels sur cette planète, que le risque est nul.
Que l'aventure dure quelques mois, le temps que les économies permettent de rester, un an, deux ans ou davantage, cette expérience est unique car pour la première fois nous seuls construisons notre vie. Tout est à trouver : un job, une maison, des amis. Rien que ça. Pour l'emploi, une règle d'or, restons humble car personne ne nous attend et surtout dans les capitales qui ont de nombreuses universités. Personne ne nous attend, c'est à nous à faire notre trou. L'emploi que l'on décroche, on sent qu'on l'a obtenu à la tchatche car l'employeur local peut difficilement nous sonder, culture et langue différentes obligent. De toute façon un employeur du bout du monde ne connaîtra pas le nom de notre prépa ou université (hormis la Sorbonne qui fait toujours classe sur le CV), ne saura même pas prononcer leur nom et se contre-fichera des éventuels classements d'écoles siglées (tu sais l'école de commerce que papa-maman t'ont payée pendant 3 ans ou, pire, que tu dois rembourser). Donc Charles-Henri de la Tour, Paris 16, qui sort du lycée Louis Legrand et de Sciences-Pô ou de l'ESSEC ne part pas forcément plus gagnant que Fanny Dumond du lycée Pardailhan d'Auch et de l'université de Toulouse. Et c'est ça qui est bon ;-). On n'aura pas ou très peu de "réseau" et on fera sans piston. L'expatriation a ceci de juste qu'elle remet les compteurs à zéro en quelque sorte, et que le meilleur gagne. C'est l'expatriation donne des ailes et l'envie de tout déchirer, de frapper à toutes les portes. On développe un tel instinct de survie que l'on se sent un peu Britney Spears chantant Womanizer (pour les femmes j'entends).

Déracinement oblige, l'expatrié a des chances de rencontrer des personnes très différentes de celles laissées au pays ou qu'il fréquentait jusqu'alors. Et c'est tant mieux, il a tout intérêt à s'ouvrir aux locaux. Il possèdera aussi certainement un cercle parallèle composé d'autres expatriés qui lui font réaliser que l'on n'est pas le/la seul(e) taré(e) à avoir eu la folle envie de venir voir ce qui se passait par ici.

Par effet de contraste, tous les efforts déployés par un expatrié dans sa nouvelle vie lui fait voir la mère Patrie comme le pays des Bisounours. On a davantage de mal à critiquer la France ensuite, pour peu que l'on ait eu à tester la médecine, les hôpitaux ou le chômage à l'étranger... On réalise, enfin, que l'on a été très très choyé par notre système. Du coup, les éternelles plaintes, grèves et manifs franco-françaises nous semblent parfois déplacées en comparaison de ce que l'on a expérimenté ailleurs.

Les moments vécus dans un nouveau contexte, les rencontres, les voyages effectués depuis notre nouvelle base, les galères et les moments de solitude, tout cela forge et fait grandir. Attention non plus à ne pas prendre le melon et se souvenir que si nous sommes loin, c'est que la santé le permet, c'est qu'éventuellement les autres frères et soeurs sont là pour les parents et nous déculpabilisent un peu, c'est que les planètes se sont alignées(avec notre aide, certes) au moment indiqué pour pouvoir partir.

L'expatriation est un beau paquet cadeau, un Maxi-Kinder avec une surprise à l'intérieur. Nul ne sait ce qu'il contient, il faut l'ouvrir pour savoir et le contenu dépend de qui l'ouvre...
Goût du risque, optimisme, et ouverture d'esprit indispensables. Energie à toute épreuve recommandée. Sensations fortes garanties.

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Article repris le 20 janvier 2014 dans le Petit Journal, le média des français et francophones à l'étranger
http://www.lepetitjournal.com/expat/s-installer-a-l-etranger/174332-billet-reflexions-sur-l-expatriation